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 Sujet du message: Cécile - mémoire GRETIS
Message non luPosté: 26 Sep 2010 13:18 
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J'ai beaucoup hésité avant de faire ça, mais c'est peut-être bien, alors je me lance ...
Voici le mémoire que j'ai envoyé pour le GRETIS.
Je choisis aussi de le publier intégralement, sans auto-censure, vous y trouverez sans doute des trucs " limite", c'est ma vie ...


François P, « dite » Cécile
00, boulevard blabla
00 000 La Ville

Tel : 06 06 06 06 06
Courriel : bouh@hips.net

à l'équipe du GRETIS

Je me suis adressée à vous afin de bénéficier dans les meilleures conditions des soins de réassignation dont j'ai besoin pour mettre mon corps en accord avec la fille que je considère être – ou plutôt celle que j'aurais dû être – depuis mon plus jeune âge.

C'est en effet vers l'âge de quatre ans que j'ai éprouvé pour la première fois ce malaise profond, dont je sais aujourd'hui qu'on le nomme dysphorie du genre. Je me revois en compagnie d'autres enfants de mon âge, discutant et prenant ainsi conscience du fait qu'il y a des garçons et des filles, et que moi j'étais un garçon.
Cette sentence m'est immédiatement apparue comme incompréhensible, inacceptable et mensongère. Je me raccrochais à l'explication enfantine qu'il s'agissait d'un état provisoire, qu'on naissait garçon dans un premier temps pour devenir fille un peu plus tard, que toutes les filles passaient par cette étape... J'ai eu tôt fait d'être détrompée, et j'ai alors éprouvé ce sentiment profond d'injustice qui ne m'a dès lors plus jamais quittée.

Ainsi, et pour autant que je puisse en juger, je suis née transexuelle, je ne le suis pas devenue, et ma démarche consiste bien à m'extraire de cette transexualité, pas à y entrer. Que cela se passe dans ma tête, ou ailleurs en moi, dans mes gènes, ou autre, je n'en sais rien. En revanche, ce que je sais intimement, c'est qu'il y a en moi quelque chose de l'ordre de la malformation qui vient de ma constitution, et non pas de mon histoire personnelle. Je ne peux forcer personne à y croire, mais c'est ma réalité.

Toujours est-il que je n'en ai jamais parlé à personne avant que bien du temps se soit écoulé. C'est même quelque chose de plutôt récent. La première personne à qui je m'en suis ouverte fut mon ami d'enfance et c'était juste avant d'entrer au monastère, c'est-à-dire en 2006 ( je l'avais déjà évoqué auparavant, mais seulement à demi-mots ).
Mes parents ne s'en sont jamais rendus compte. Il n'en était, pour moi, pas question.
Je m'identifiais toujours, constamment et spontanément, aux personnages féminins de mes contes d'enfant, de la télévision et, plus généralement, dans ma vie quotidienne, mes camarades d'école,
etc …
Cela me choquait, c'était mal à mes yeux, et je me suis habituée à me détester à cause de ça. Il m'était donc impossible d'envisager que j'aurais pu être aimée malgré tout, si mon secret en arrivait à être dévoilé. Il m'est arrivé souvent, tout au long de ma vie, de m'habiller de manière féminine,en cachette, seule. Je prenais alors extrêmement soin de ne jamais être surprise. Cela n'est effectivement jamais arrivé, je le regrette aujourd'hui : ça aurait été l'occasion d'ouvrir la discussion et de gagner beaucoup de temps. Ce n'est que depuis ces cinq dernières années que je réalise dans quelle erreur j'ai vécu. Bien sûr, aujourd'hui que je vis féminisée, je dois faire face souvent à des réflexions bêtes et méchantes, mais, finalement, la pire intransigeance à laquelle j'ai été confrontée était la mienne. Le combat « extérieur », social que je vis aujourd'hui n'est qu'une transposition dans le visible de celui « intérieur », intime, que j'ai toujours connu ; et il n'est pas plus dur : la plupart des gens sont moins durs avec moi que je ne l'ai été moi-même pendant toutes ces années. En outre, ceux qui m'aimaient avant continuent de m'aimer, et moi je peux enfin être en paix avec mon sentiment d'identité profonde.
Ce n'est qu'à partir de là que je peux désormais m'occuper de mon physique, avec l'espoir de vivre une vie de plus en plus « normale » de jour en jour, sous une apparence qui injurie de moins en moins mon sens de la dignité et de la discrétion, autant que faire se peut … Cela ne me plait pas, ni ne m'amuse, d'être le « travesti du quartier » que j'ai l'air d'être aujourd'hui. Je n'ai pas le goût de la provocation. Ceci dit, cela me vaut mieux cependant que de passer pour un homme que je ne suis pas. Cela me rapproche déjà de moi-même, et si au final le résultat de mes efforts s'avère peu probant – on ne sait pas comme chaque corps réagira aux traitements, et je pars déjà avec un handicap « de taille » - je sais néanmoins que je continuerai de m'assumer telle que je suis déjà plutôt que vouloir revenir en arrière. Je suis d'ores et déjà mille fois plus épanouie que je ne le fus. Bien sûr, je préfèrerais tout de même passer mieux en société, être reconnue pour la femme que je suis, sans avoir à essuyer d'humiliants « bonjour, monsieur » ( que, d'ailleurs, je ne rectifie généralement pas … ). Je ne suis pas masochiste !

Pour ce qui concerne ma sexualité, elle s'inscrit tout simplement dans la même problématique que le reste de ma vie. J'ai constaté à l'adolescence que la libido ( psychologique ) qui naissait et grandissait en moi était féminine. Simplement, la fille que j'étais au plus profond était en train de devenir femme. Ces désirs étaient contrariés, d'une part, par mon corps ( disons … obstrué … mais aussi en proie à des mouvements hormonaux à contre-sens, puisque en parfaite santé ), et d'autre part par mon propre rejet de mon identité féminine.
Cela m'a encore compliqué les choses. J'ai commencé à me figurer que tout cela n'était qu'un fantasme sexuel, oubliant ( ou niant ) que c'était bien une question d'identité qui me taraudait depuis toujours, et que ce questionnement vivait en moi en tous temps et en tous lieux. Il m'a fallu l'aide d'une psychothérapeute ( en 2008/2009, tandis que j'étais au monastère ) pour prendre, ou reprendre, conscience de cela ( entre autres, elle m'a aussi montré à quel point je pouvais être impitoyable avec moi-même, à quel point aussi je m'attachais à une idée de la normalité que je m'inventais de toute pièce, et d'autres détails de ce genre, je n'ai pas tout en mémoire aujourd'hui : j'ai changé, fait du chemin, posé des choix … alors j' ai du mal à me remettre dans l'état d'esprit dans lequel j'étais à ce moment-là ).

à l'adolescence, donc, j'étais très seule, très différente et très malheureuse. Je me haïssais et m'isolais. Je ne parvenais pas à m'intéresser aux activités des autres ( garçons ). De plus, je trouvais très étonnantes leurs réactions que je percevais comme très bêtes et plutôt vulgaires, comme des petits animaux sans retenue. Je ne comprenais pas leurs démonstrations de virilité naissante, moi j'avais honte de ça et cela me faisait horreur. En fait, je me reconnaissais dans les manières d'être des filles, bien plus que celles des garçons, comme toujours. Mais les groupes de garçons et les groupes de filles ne se mélangeaient qu'assez peu, finalement, et je n'étais évidemment pas reconnue « fille ». J'étais donc seule, la plupart du temps, et on me trouvait juste bizarre.

C'est à cette époque-là que j'ai commencé à m'intéresser à la spiritualité chrétienne. Cela n'a aucun rapport, je pense, avec la transexualité, ou alors par enchaînement différence / solitude / profondeur / spiritualité / religion … mais en ce qui me concerne, je pense que la sensibilité spirituelle touche tout le monde, d'une manière ou d'une autre, et si j'en parle ici, c'est à cause de l'importance que ça prendra plus tard dans mon parcours et mes choix par rapport à ma transidentité, pour le coup.
Ce sentiment religieux m'a ensuite quittée, pour revenir plus tard, en cherchant dans toutes sortes d'autres formes de spiritualité, comme c'est souvent le cas.

Vers l'âge de quinze ou seize ans, j'ai commencé à boire beaucoup et à consommer toutes sortes de psychotropes. Peut-être pour me fuir, et puis pour être moins seule tout en m'isolant plus en profondeur, ou peut-être simplement par penchant, mais il n'empêche que mon intérêt pour ce genre de pratiques s'est évanoui depuis que j'ai décidé de me prendre en main sur le plan de mon identité.

J'avais décidé de m'assumer en ces termes : puisque la nature m'a faite garçon, c'était nécessairement en tant que tel qu'il allait me falloir composer. J'allais donc me construire une vie d'homme et lutter de toutes mes forces contre mon désir profond de féminité.
C'était une erreur de fond. Non, la nature ne m'a pas faite garçon, elle m'a faite transexuelle, dès le début, et m'assumer comme je suis, c'est endosser cela, sans quoi je serai toujours dans le déni, et le déni n'atténue rien. Au contraire, il laisse croître les choses dangereusement. Boucher la soupape d'une cocotte-minute n'éteint pas le feu en dessous, et elle finit par exploser.
C'est un peu comme cela que je me suis sentie quand j'ai eu épuisé toutes les options que j'ai pu pour éviter de vivre ma vraie nature, et après deux années de vie monastique. Cela s'est traduit par des idées noires, suicidaires. Mais je savais très bien ce qui me causait ce tourment, et j'ai émis le désir de consulter une psychologue-psychothérapeute et c'est avec elle que j'ai finalement laissé littéralement ma parole « jaillir ». C'est la soupape qui s'est débouchée, juste au moment où la cocotte allait exploser ! J'ai choisi alors de quitter le monastère pour vivre enfin ma vie telle qu'elle se manifeste depuis le fond de moi-même, au grand jour, la tête haute.

Je reprends mon fil chronologique à l'adolescence :
J'ai eu ma première expérience sexuelle avec une fille à dix-sept ans. Je n'étais pas amoureuse, mais surtout préoccupée de me déniaiser, poussée aussi par des hormones « débordantes » et mettant en pratique le choix que j'avais fait de me construire « homme » contre vents et marées.
Si la pulsion était bien réelle, pour autant je détestais cette sexualité-là. Je ne m'y sentais pas à ma place du tout. Je me voyais ridicule et je ressentais tout le poids de la frustration de la femme en moi, tout en la niant.
J'ai très vite décidé que je préférais retrouver la solitude de mon intimité que je ne pouvais pas partager.
Pour ne rien cacher, cette histoire s'est vraiment terminée en queue de poisson, puisque quelques jours après que je l'eus quittée, elle est venue m'annoncer qu'elle était enceinte. Nos parents respectifs se sont entendus pour avoir recours à une ivg. C'était certainement la meilleure décision à prendre dans ce contexte.
J'exagèrerais si je disais que les rapports sexuels que j'ai eus peuvent se compter sur mes doigts, mais si j'exclus cette première relation qui a quand-même duré deux mois, pour le reste de ma vie c'est à peu près ça, toujours avec ce même ressenti contre-ma-nature.

Je me souviens avoir été amoureuse d'amies avec qui je passais mon temps, une sorte d'amour-amitié, sans sexe, teintée de jalousie et de possessivité. Cela m'est arrivé deux fois.
Je m'interdisais formellement de tomber amoureuse de garçons, et ces amours platoniques m'apportaient une réponse acceptable à mon besoin de me donner éperdument.

J'ai alors commencé à vivre ma vie d'adulte, me consacrant, d'une part, à mon travail et quand je ne travaillais pas, je passais alors tout mon temps à me gaver d'alcool et autres drogues, seule ou en compagnie, peu importe, au fond, j'étais toujours seule.
Il m'arrivait toujours, de temps en temps de passer des vêtements féminins quand il m'en tombait sous la main, car à ce moment, bien sûr, je ne serais jamais sortie pour faire ce genre d'achats. Cela me faisait porter n'importe quoi, dans n'importe quelle taille ; ne faisant qu'ajouter mal-être sur mal-être, humiliation sur humiliation.
Je disais, à chaque fois, « plus jamais ça », encore incapable que j'étais d'envisager une autre solution plus digne pour me sortir de ça, mis à part le reniement. Mais le désir, le besoin, de me sentir féminine était bien trop fort, trop profond, trop impérieux, pour que je pusse y renoncer quand l'ombre d'une occasion se présentait.

En même temps, j'ai recommencé à m'intéresser à la spiritualité, sous des formes diverses. Je lisais beaucoup, toute sortes de littératures, du new-age le plus fantaisiste, au chamanisme le plus archaïque, en passant par divers ésotérismes plus ou moins sectaires et, parmi tout ça , des ouvrages chrétiens me faisant revenir, petit à petit, à mes premières amours. Cela me conduira, plus tard, à faire des choix dont il n'est pas invraisemblable de penser qu'ils m'auront sauvé la vie.

J'avais des amis ( que j'ai toujours, d'ailleurs, mais aujourd'hui séparés ) qui, dans les années quatre-vingt-dix, ont eu une petite fille. Nous nous aimions beaucoup. Moi je me reconnaissais en elle, je m'identifiais à elle ; et elle, qui était très câline aimait se mettre dans mes bras, et nous passions des heures comme ça, à chaque fois que j'étais chez eux, et j'y étais très souvent, nous étions presque toujours ensemble ( mes amis et moi, je veux dire ), on se « défonçait » ensemble, en fait, en s'entraidant par un principe un peu communautaire.
Quoi qu'il en soit, nous vivions, avec Jessica ( leur fille ), une sorte de relation privilégiée, plutôt fusionnelle, ce qui a eu pour effet qu'à son adolescence, je ne vivais pas très bien de la voir s'éloigner peu à peu de moi, alors je me suis mise à en faire trop pour essayer de la retenir, à lui parler de cet amour que j'avais pour elle, à lui montrer à quel point je souffrais de la distance qu'elle mettait entre elle et moi … bref, je devenais lourde ! Alors à un moment, exaspérée, et pour se débarrasser de moi, elle s'est mise à me dire que j'étais vraiment un pédé, avec mes jambes de femme ( je ne sais pas pourquoi elle a dit ça de mes jambes qui sont, somme toute, assez normales ! Mais, bon, c'est ce qu'elle a dit ! ).

ça m'a fait l'effet d'une bombe. Je me suis dit que c'était peut-être ça, que je devais être homo, que c'était ça, l'homosexualité. Ça m'arrangeait, bien, dans le fond. C'était facile à assumer, ça !
Dans les jours qui suivirent, j'ai commencé, en faisant mes courses, à m'acheter quelques affaires qui me plaisaient me justifiant d'une légitimité, face à mes inhibitions, au nom de ma toute nouvelle homosexualité, qui me semblait me donner ce droit-là !
Peu de temps après, je me suis rendue dans un club gay. Je m'y suis un peu ennuyée, car je n'aime pas trop les boîtes de nuit en général, mais j'ai quand-même trouvé le moyen de discuter avec des gens, de tout et de rien.
Alors que je m'en allais rentrer chez moi, un garçon m'a fait de grands signes sur le parking. Je crois qu'il s'était fait planter par ses copains, et il me demandait de le ramener chez lui. Ça ne me posait pas de problème, et ce n'était pas trop loin de chez moi. Arrivés en bas de chez lui, je lui ai proposé ( assez naïvement, en fait ) de fumer un joint. Il m'a répondu que si je montais, il ne pourrait pas s'empêcher de me sauter dessus ( avec ses mots à lui, ce sont les miens, là ).
Je suis montée, et j'ai vécu comme ça, sur la trentaine, mon premier rapport avec un homme.
Ce soir là, la fille que j'étais est devenue femme. J'ai compris que désormais rien ne serait plus jamais comme avant. Ma féminité s'est exaltée du plus profond de moi même, jusqu'au bout de chacun de mes ongles, comme une vague longue et intense qui remplit, et même dépasse, transpire de chaque cellule qui s'y abandonne. J'ai ressenti en même temps tout le poids de mon corps limité, bouché, déformé, avili, handicapé sexuellement, bafouant mon identité jusque dans mon intimité.
Je jouissais pour la première fois, et je pleurais en même temps. Il m'a demandé, après, pourquoi j'avais pleuré. Je n'ai pas répondu, si ce n'est d'un haussement d'épaules, puis il m'a dit, cet idiot, d'un air déçu : « t'as même pas bandé, t'as même pas joui ».
Cela m'était bien égal. La seule chose qui comptait étaient que mes idées venaient d'être remises en place, et que je me voyais enfin bien en face.

Qui je suis, je le sais depuis toujours, mais c'est à partir de ce jour que je n'ai plus pu me mentir à moi-même, je savais que la femme que je suis ne deviendrait jamais un homme, aussi homosexuel fusse-t-il, et ce quoi que je fasse. J'ai commencé à employer ce vilain mot de transexuelle pour réfléchir sur moi-même, à me renseigner sur d'autres parcours et sur les réponses médicales qui existent pour pallier à ce handicap, dont je savais bien qu'il était organique. Je suis une femme dans un corps d'homme, et je ne suis pas mon corps, en tous cas, au moins, en ce sens où je ne me reconnais pas en ses masculinités ( je veux dire qu'à part ça, il me ressemble plutôt, il reste mon corps à moi, juste handicapé, déformé ).
Quand à assumer socialement cette réalité que j'avais désormais reconnue au profond de moi, cela restait, à ce moment-là, une autre paire de manches. L'idée de franchir le pas était toujours aussi abominable à mes yeux, de faire souffrir ceux qui m'aiment, d'être la honte de la famille, d'être un phénomène de foire …

Tandis que je continuais à vivre ma vie de relative errance ( avec tout de même un toit et un métier qui me plaisait, il ne faut pas exagérer non-plus ), je pensais de plus en plus à m'engager dans la vie monastique. Mes lectures, ma réflexion, avaient cultivé en moi un attrait véritable vers cette forme particulière d'art de la vie spirituelle.
J'avoue aussi, en baissant le front, que la perspective de vivre en robe sans que ça choque qui que ce soit me plaisait assez …
Je savais aussi que l'on pouvait prendre un nom de religieux, et j'avais décidé à l'avance que mon nom serait Marie, car cela pouvait se faire. Et cela fut fait ! Ça m'a d'ailleurs valu quelques réflexions de la part de frères qui trouvaient ça bizarre.
Et puis, surtout, je m'étais figurée que dans ce style de vie, on gommait facilement les distinctions de genre, la vie monastique des hommes étant la même que celle des femmes, et même il me semblait que ce mode de vie était plutôt féminin en soi. Je ne me souviens plus, après l'avoir vécu, ni pourquoi, ni comment je pensais une chose pareille.
C'était une erreur monumentale de penser gommer comme ça la différence homme / femme. Les hommes restent bien des hommes ; et le femmes, des femmes. C'est même à peu près l'effet inverse qui s'est produit. Je me suis retrouvée dans un univers de pure masculinité, où toute trace de féminité avait quasiment disparu. J'étais dès lors projetée vers un avenir où, jusqu'au bout, jusqu'aux soins à l'infirmerie, jusqu'à la mort, je ne serais entourée que de masculinité, sensée être un homme parmi les hommes.

Par ailleurs, cette forme de vie m'apportait énormément en soi, par rapport à bien des aspects de la vie, mais ce n'est pas l'objet du présent exposé. J'aimais assez cette vie pour la continuer s'il n'y avait pas eu cette dysphorie qui m'a rattrapée, plus virulente que jamais, si j'avais pu la vivre à ma place, parmi les sœurs. Je doute fort que cela me soit possible un jour, mais qui sait ? Il n'y a que des cas uniques ...
Mais, dans ces conditions, j'ai commencé à avoir des idées suicidaires, et j'ai demandé à consulter une psychologue, comme je l'ai dit plus haut.

J'ai quitté alors le monastère, et ma décision de me lancer en parcours de transition était prise. Dès que j'eus paré aux choses les plus vitales ( logement, revenu minimum … ) j'ai commencé à vivre ma vie de femme en femme ; parce qu'il est nécessaire de se tester en situation de vie réelle, de se voir confrontée aux regards plus ou moins bienveillants, et que je voulais le faire à mon rythme ; et aussi parce que je crois beaucoup à la prépondérance du phénomène de « neuroplasticité » en la matière.

J'ai ensuite commencé mon parcours proprement dit en prenant rendez-vous ( avec un courrier de mon médecin traitant ) chez le Pr ROGER, alors endocrinologue de l'équipe « transgender » de Bordeaux, qui m'a examinée et prescrit des analyses, puis qui m'a envoyée chez le Pr BOURGEOIS, alors psychiatre de cette même équipe.
Le premier rendez-vous avec le Pr BOURGEOIS m'avait semblé s'être bien déroulé, nous avons eu une bonne discussion, et il m'a assurée en partant que mon cas ne lui semblait pas, dans la mesure où je « persévérais dans ma conviction » poser de problème qui empêcherait mon projet d'aboutir.
Il m'a demandé de lui écrire une lettre, un peu comme ce mémoire, accompagnée de photomatons de mon visage et de mes mains ( ? ) suite à quoi il me recontacterait.
Je me suis exécutée, puis j'ai attendu une réponse, en vain. Les semaines commençaient à défiler, alors je me décidai à l'appeler. Impossible de le joindre. Je lui ai laissé quelques messages, sur deux ou trois mois environ, jamais de réponse …
Puis un jour je l'ai eu, directement, au téléphone. Il semblait complètement perdu, il n'avait manifestement aucun souvenir de moi, ni de mon courrier ( qu'il n'avait sans doute pas lu ), ni d'aucun de mes messages sur son répondeur.
Il m'a demandé de lui réécrire un autre courrier, qu'il n'arrivait plus à remettre la main sur le précédent et qu'il était débordé.
Je l'ai fait !
Toujours aucune réponse.
Toujours les semaines, les mois qui passent.
Toujours le répondeur, et pas de réponse aux messages.
Et pour la deuxième fois, j'ai réussi à l'avoir en direct, et, cette fois, il a franchement été odieux : « ah ! C'est vous ! Qu'est-ce que vous voulez ? » « heu, bé, heu, un rendez-vous, vous avez reçu mon deuxième courrier ? » « j'en sais rien, j'ai pas le temps. Il faut m'écrire, pas m'appeler ! » Puis il m'a raccroché au nez !
Et j'ai réécrit ! Une lettre très courte, cette fois qui résumait les rapports entre lui et moi depuis notre unique rencontre, une demande directe de soins de réassignation, sans me raconter une nouvelle fois, et une demande expresse de réponse rapide. De toute façon je n'avais plus aucune confiance, et c'était son but. Je suppose qu'il ne pouvait pas me refuser autrement des soins qu'il m'avait déjà accordés, et qu'il lui fallait que ce soit moi qui parte.
Bien sûr, la réponse, je l'attends toujours ...

C'est à ce moment-là que j'ai pris rendez-vous avec vous, et que je vous ai rencontrés …
J'ai appris que le Pr BOURGEOIS ne s'occupe plus de transexualité, et que le Pr ROGER avait pris sa retraite et n'était pas remplacé. Il n'y a donc plus d'équipe à Bordeaux …






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