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Message non luPosté: 12 Jan 2011 13:22 
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Inscription: 04 Jan 2011 18:07
Messages: 757
Localisation: dunkerque
Un jour de décembre 2009. Dunkerque.
Une douleur au fond du ventre vient de se réveiller. Pas une douleur classique, de celle qu’on peut faire cesser avec un bon médicament. Non, cette douleur je la connais bien. Elle me tenaille depuis l’enfance. C’est un mal sournois. La seule façon de la faire cesser c’est de réparer une erreur de casting, une farce de l’existence. Pourtant je ne suis pas malade.
Toute projection dans l’avenir m’est interdite tant je ne serai pas rentrée dans la matrice universelle. Si je rate cette chance d’entrer dans cette matrice je suis mort, ou plutôt, je suis morte. Tout autour, plus rien n’existe, je n’ai meme plus de vie sociale.
Je passe devant le bâtiment de la communauté urbaine de Dunkerque. Je ne le vois pas. Je croise des centaines de personnes qui affluent vers le complexe commercial Pol marine. Je ne les vois pas. Je traverse les routes comme une automate. Les voitures ? Je ne les vois pas. Je longe le bassin du port. Les bateaux ? Je ne les vois pas. Je suis comme aveugle dans un monde terne, fade, en noir et blanc, sans saveur. Les lieux et les repères visuels qui jadis me rassuraient, aujourd’hui n’existent plus. C’est comme si j’errais dans une nouvelle ville.
En marchant, je pleure comme une conne. Il faut que cette douleur cesse. La pression devient tellement forte que je risque de perdre la tête et de devenir folle. Les pensées noires lancent dans le corps humain, toute une série d’alertes. Les yeux se cernent et se noircissent, la masse graisseuse fond comme neige au soleil et on s’amaigrit rapidement parce qu’on ne mange plus, des sillons se creusent parce qu’on ne dort plus. Je dois ressembler à un zombi et pourtant je ne suis pas malade. Non, je ne suis pas malade.
Ce matin, j’ai croisé des regards qui en se posant sur moi, insistaient impudiquement en me balayant de bas en haut. Le spectacle de ma détresse doit commencer à se voir. Peut-être ais-je été le sujet de conversation d’un couple qui, sans mon corps décharné n’aurait rien eu à se dire :
« Tu as vu le mec qui vient de passer ? Il a le teint blaffard, il pleure, il est cerné…Il a l’air fatigué.
-Il doit être malade…T’approches pas chéri, c’est peut être contagieux… ».
Non je ne suis pas malade…Et je suis encore moins un mec ! Je suis une femme et c’est justement là tout le problème.
Je suis née à Nice, le quinze juin 1966, d’une erreur de casting et d’une mère absente. Et jusqu’à aujourd’hui, je la paye très cher cette erreur de casting, en étant en perpétuel décalage avec la société. Foyers de l’enfance, légion étrangère, mariage et divorce…Ma vie se résume à peu près à cela. Bordel, tout çà parce qu’on m’a forcé à vivre en garçon, alors que je suis une femme. Si j’avais dis dans les foyers de l’enfance que j’étais une petite fille, on m’aurait balancé dans un hôpital psychiatrique en me traitant comme une malade mentale. L’époque ne permettait pas un troisième genre. J’aimais les jupes, le maquillage, les poupées et les mecs. Mais ca, dans les années 70, c’était interdit pour les filles emprisonnées dans un corps de garçon. J’ai donc joué le rôle que la société voulait que je joue. Je me suis persuadé que j’avais tord, que je raisonnais mal. Si je suis né garçon, alors je dois remplir un rôle social d’homme. C’est ce que j’ai fais jusqu’à mes 44 ans. Je suis rentré dans la légion étrangère pour jouer le dur et je me suis fais virer de là parce que je n’ai pas supporté. Toujours la dernière partout, toujours en train de râler, de trainer les pieds. Les légionnaires de mon quartier me traitaient avec la douceur des mecs vis-à-vis d’une gonzesse. Ils étaient gentils, me protégeaient et m’aidaient à porter quand un poids devenait trop lourds pour mes petits muscles. J’ai même couché avec un sergent, histoire de ne pas perdre de vue ma sexualité féminine. Je l’ai aimé comme une femme à part que je bandais avec un sexe d’homme. Et pourtant j’ai continué d’y croire, à me battre pour aller dans le sens que la société m’avait imposé. Il fallait au moins que j’essaye de donner le change, de rester un homme, puisque la vie m’avait donné tous les attributs masculins. Je me suis marié, j’ai réellement aimé mon épouse avec qui j’ai eu quatre enfants, puis j’ai divorcé 22 ans après, sur sa volonté et son souhait. Vingt deux ans où j’ai plus ou moins enterré ce que je suis réellement. Je pensais sincèrement avoir gagné la partie, être rentré dans la norme imposé par la société. Mais c’est aujourd’hui que je suis enfin dans la norme. Et Dieu merci, la société a évolué. De stricte dans les années soixante dix, elle est devenue permissive dans les années 80, puis compréhensive dans le nouveau siècle. En fait, J’ai quelquefois rêvé de porter les jupes et les dessous de ma femme. Je ne l’ai jamais fais. Je n’ai jamais osé le faire, d’abord pour mes enfants, puis par honte qu’elle me surprenne. Pour elle j’étais un homme. Elle n’aurait jamais compris…On ne peut pas dire que je lui ai menti. D’abord parce que je n’ai rien dis. Ensuite parce que mes sentiments étaient sincères. Je l’aimais réellement de toutes mes forces, tout simplement parce qu’elle était géniale. Pour elle, je serai volontiers devenue lesbienne. Quoiqu’au fond, je l’ai sans doute été un petit peu.
Le divorce n’a pas eu lieu pour une raison de genre, mais par consentement mutuel. Vingt deux ans de mariage et la routine qui s’accompagne ont usé le couple. Je ne nie pas avoir été très heureux(se) avec elle et je ne regrette rien de ce bonheur. Je lui suis redevable de beaucoup. Même si le divorce m’a fais très mal, il n’est pas source de mon choix de transition. Ce choix bourgeonnait déjà depuis l’enfance. Disons juste que le post divorce a été le déclencheur principal à m’assumer telle que je suis. Une prise de conscience. Dans un sens, le divorce m’a libéré. Je ne l’ai pas cherché et je ne l’aurai jamais demandé. J’aurai terminé ma vie avec un sentiment d’inachevé mais je serai resté avec ma femme si elle l’avait souhaité. Tôt ou tard, petit à petit, je lui aurai sans doute avoué. Vers la fin, ca commençais à devenir insupportable de garder ce lourd secret. Le destin dans sa miséricorde, a choisit de me libérer, et celle que j’ai aimé pendant 22 ans a été la main armée de ce destin.
Aujourd’hui, je suis divorcé et cette douleur se réveille mille fois plus forte. J’ai envie de reconstruire différemment, d’être l’épouse d’un homme et vivre enfin…heureuse, comme je l’ai toujours ardemment souhaité. Une enfance dans laquelle j’ai souvent rêvé au prince charmant.
J’ai quarante quatre ans et je n’ai plus envie de tricher. Je suis une femme dans un corps d’homme, j’ai toujours été une femme et cette fois-ci je ne raterai plus le coche. La vie me donne une chance. Je vais donc faire en sorte que mon physique corresponde avec ce que je suis vraiment…Puis je me fondrai dans la foule et je continuerai d’écrire. Je garderai mes valeurs et mes rêves. Les mêmes. Je les garderai jusqu’à la fin des temps.
J’ai enfin eu le courage d’en parler à mes enfants et tout s’est très bien passé.
Ce livre est un document, un témoignage, un outil pour les générations futures, et ceux ou celles qui comme moi, vivent actuellement avec un genre emprisonné dans un autre genre.
Nous sommes le troisième genre.
Anne


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