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Message non luPosté: 12 Déc 2014 10:51 
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Psychiatrie : une étude dissèque l’hospitalisation au long cours, très variable selon les territoires

Citation:
L’hospitalisation au long cours – pourtant à rebours de la politique de désinstitutionalisation menée depuis les années 70 – concerne encore 12 700 patients en 2011, soit 0,8 % des patients pris en charge dans les établissements ayant une autorisation en psychiatrie, rapporte une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes).

Ces séjours représentent un quart des journées d’hospitalisation mais aussi un quart des lits, « un poids majeur dans les ressources, l’activité, et l’organisation des soins », lit-on dans cette étude.

Surtout, un grand nombre de ces hospitalisations longues sont jugées médicalement inadéquates, résultant du « cloisonnement » entre le sanitaire et le social et de l’absence de réponses médico-sociales adaptées.

En 2011, 77 % des patients suivis en psychiatrie dans les établissements l’ont été exclusivement en ambulatoire, et la durée moyenne des séjours d’hospitalisation dans l’année atteint 53 jours, deux fois moins qu’en 1980. L’hospitalisation au long cours concerne plutôt des hommes (64 %), âgés en moyenne de 47 ans. Les 30-60 ans sont surreprésentés, tandis que les plus de 60 ans sont sous-représentés, la plupart étant orientés vers des Ehpad.

Profils de patients

Selon l’étude, trois grands groupes de patients se distinguent : plus de la moitié (51,7 %) des patients hospitalisés au long cours, majoritairement masculins, faiblement dépendants, souffrent de troubles schizophréniques. Un quart (23 %) sont des « nouveaux patients au long cours », majoritairement des femmes, plus âgées, souffrant de troubles addictifs, de troubles mentaux organiques (démences) ou de troubles de la personnalité et du comportement. Ces patients sont moyennement dépendants. Enfin, 25 % des patients sont plutôt des jeunes lourdement dépendants, souffrant de retard mental ou de troubles du développement psychologique (autisme), hospitalisés pour 32 % d’entre eux depuis plus de 5 ans.

Les cliniques, parce qu’elles se sont spécialisées dans les séjours de postcure et de réadaptation sociale, accueillent 12 % des patients hospitalisés au long cours, alors qu’elles ne prennent en charge que 6 % de la file active totale suivie en psychiatrie. 80 % des patients hospitalisés au long cours sont pris en charge dans un établissement monodisciplinaire public ou privé (spécialisé dans la prise en charge des maladies mentales). Pour 10 % des patients, l’hospitalisation au long cours s’est réalisée sur plusieurs établissements.

Ecarts de 1 à 30

Selon l’étude, les taux de recours à l’hospitalisation longue en psychiatrie (nombre de patients pris en charge au long cours dans l’année rapport à la population âgée de plus de 16 ans) varient de 2,2 (Alpes-de-Haute-Provence) à 68 pour 100 000 habitants (Haute-Saône), soit un rapport de 1 à 30.

De telles disparités sont en partie liées, selon l’Irdes, à l’offre de soins hospitalière spécialisée et la densité de lits en hospitalisation temps plein. « Une moindre contrainte sur la gestion des lits peut créer des conditions peu incitatives à la sortie des patients », lit-on. À l’inverse, dans les secteurs où les capacités d’hospitalisation en psychiatrie sont plus réduites, les équipes soignantes auront « tout intérêt à favoriser la fluidité des parcours et à éviter les séjours prolongés ». Autre facteur déterminant : plus l’offre médico-sociale est importante sur un territoire, plus le taux d’hospitalisation au long cours diminue.


http://www.lequotidiendumedecin.fr/actu ... able-selon


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Message non luPosté: 14 Juin 2015 09:17 
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Localisation: Constamment dans la lune
"Les hommes sont par nature si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie que de n'être pas fou."
Pascal



Quelque 400 personnes ont défilé samedi à Paris et une centaine à Marseille lors de la deuxième Mad Pride, une marche pour dénoncer la stigmatisation et les préjugés dont sont victimes les personnes atteintes de troubles psychiatriques, a constaté un journaliste de l'AFP.

A Paris, au rythme de percussions ou de fanfares, vêtus de ponchos aux couleurs vives, de tenues d'Arlequin, de pyjamas, de chapeaux de fous du roi ou grimpés sur des échasses, les manifestants ont marché dans une ambiance festive de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le XIVe arrondissement jusqu'à la place de la Bastille. Le cortège, accompagné par des chars richement décorés, rassemblait des patients, des proches de malades et des représentants d'associations.

Derrière une banderole barrée du slogan "Fous et alors?", pour revendiquer le droit à la différence, ils manifestaient à l'appel de plusieurs associations, dont Advocacy France, Aftoc, France Dépression, Humapsy, Schizo?...Oui!, Bicycle, Santé Mentale France et Vie Libre.

- "Marre des grands murs gris" -

"Cela fait des décennies que la santé mentale est uniquement montrée comme de la dangerosité", a déclaré à l'AFP Philippe Guérard, président de la Mad Pride 2015 et de l'association de malades Advocacy France.

"Aujourd'hui, on a envie de montrer le contraire, que les fous peuvent être dans la rue et n'agresser personne. Il y en a marre des grands murs gris et des blouses blanches, on a envie de montrer nos couleurs!" a ajouté M. Guérard, chapeau bigarré sur la tête et collier de fleurs autour du cou.

"Je trouve ça bien qu'on assume et qu'on descende dans la rue pour montrer qu'on est des gens comme les autres", a témoigné Cathy, 42 ans, venue de Bourgogne, qui souffre de troubles bipolaires. Elle arborait une pancarte avec les mots "Je suis bipo, mais je me soigne".

"L'idée, c'est de venir revendiquer une psychiatrie correcte en France, parce qu'on estime que dans la plupart des endroits, elle ne l'est pas", a souligné de son côté Matthieu, 33 ans, président de l'association Humapsy qui demande "une psychiatrie humaniste".

"Ce qu'on voudrait, c'est déjà par exemple que l'on arrête le port du pyjama à l'hôpital", a-t-il dit, vêtu lui-même d'un pyjama.

Comme l'an dernier, plusieurs associations, dont les deux plus grosses du secteur, la Fédération nationale des associations d'usagers en psychiatrie (Fnapsy) et l'Unafam (qui regroupe les familles et les proches des malades), ne s'étaient pas jointes à la manifestation. Elles estiment notamment que la situation "indigne" des malades mentaux en France ne mérite pas un défilé festif.

A Marseille, une centaine de personnes, malades et éducateurs, dont un certain nombre déguisées, ont manifesté sur la Canebière au son d'une batucada.

Parmi leurs slogans, figuraient notamment "Plus d'empathie, moins de folie", "Les étiquettes c'est pour les habits", "Dans un monde d'aveugle le fada est roi !" ou "Un traitement si je veux quand je veux".

La première Mad Pride avait rassemblé l'an dernier environ 500 personnes dans les rues de Paris.

_________________
Nous vivons une civilisation,une époque, inspirées par la prééminence de l’émotionnel
«Des esprits étroits,sans aucune imagination et très intolérants.Les thèses déconnectées de la réalité,les termes vidés de leur sens,les idéaux usurpés,les systèmes rigides.Voilà ce qui me fait vraiment peur.»
"N'essaye pas de connaître le sens de la vie.Hormis celui que tu lui donnes il n'y en a pas."


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Message non luPosté: 14 Juin 2015 19:50 
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la psychiatrie c'est la jambe de bois de la médecine pour donner des noms à ce qu'elle ne comprend pas.
Son champ ne se limite pas à la protection d'autrui ou de soi-même, et la liste sans fin de ses troubles mentaux fait le ravissement de la justice qui voit en elle une alliée imparable. Tant son pouvoir inquisiteur est capable de désarçonner n'importe qui et de déclencher l'opprobre publique la plus violente qui soit vis-à-vis d'un sujet désigné. Malheur à lui / elle...

Il existe malgré tout des psychiatres qui se disent "fragiles". Tu m'étonnes...



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Message non luPosté: 14 Juin 2015 20:37 
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[quote="Cheyenne"]la psychiatrie c'est la jambe de bois de la médecine pour donner des noms à ce qu'elle ne comprend pas.
Son champ ne se limite pas à la protection d'autrui ou de soi-même, et la liste sans fin de ses troubles mentaux fait le ravissement de la justice qui voit en elle une alliée imparable. Tant son pouvoir inquisiteur est capable de désarçonner n'importe qui et de déclencher l'opprobre publique la plus violente qui soit vis-à-vis d'un sujet désigné. Malheur à lui / elle...

Il existe malgré tout des psychiatres qui se disent "fragiles". Tu m'étonnes...



je corrobore :D
c'est exactement la même chose, quant tu parle pour nous, les opérés :idea:

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Je pressens tout ce qui m’entoure, mon âme d’enfant est une grande excitée.
Je crie ma liberté cueillie en cette vie flamboyante, j’en suis émerveillé.
des peurs.
J'ai appris que le courage n'est pas l'absence de peur, mais la capacité de la vaincre.


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Message non luPosté: 14 Juin 2015 20:56 
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Alexia a écrit:
c'est exactement la même chose, quant tu parle pour nous, les opérés :idea:


Nuance, je ne parle jamais des "opérées" pour lesquelles j'ai un profond respect (comme ce serait le cas avec n'importe quel être ayant un chemin de vie différent du mien) mais d'un schéma de pensée qui les a amenées à passer à l'acte. Et qui est en droite ligne avec ce que je dis sur la psychiatrie. Entre aliénation et manipulation mentale ou sociologique il n'y a qu'un pas.

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Message non luPosté: 14 Juin 2015 21:01 
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Cheyenne a écrit:
Alexia a écrit:
c'est exactement la même chose, quant tu parle pour nous, les opérés :idea:


Nuance, je ne parle jamais des "opérées" pour lesquelles j'ai un profond respect (comme ce serait le cas avec n'importe quel être ayant un chemin de vie différent du mien) mais d'un schéma de pensée qui les a amenées à passer à l'acte. Et qui est en droite ligne avec ce que je dis sur la psychiatrie. Entre aliénation et manipulation mentale ou sociologique il n'y a qu'un pas.

oui biens sur va donc te relire là :

viewtopic.php?f=3&t=17471&start=100
ça comence en page 5 :idea: :roll:
et t'est pas a ton premier essaye sofectien digne des psys transphobes :wink: :idea:

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Message non luPosté: 14 Juin 2015 21:06 
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Oui, et je confirme.

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Message non luPosté: 14 Juin 2015 21:10 
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Cheyenne a écrit:
Alexia a écrit:
c'est exactement la même chose, quant tu parle pour nous, les opérés :idea:


Nuance, je ne parle jamais des "opérées" pour lesquelles j'ai un profond respect (comme ce serait le cas avec n'importe quel être ayant un chemin de vie différent du mien) mais d'un schéma de pensée qui les a amenées à passer à l'acte. Et qui est en droite ligne avec ce que je dis sur la psychiatrie. Entre aliénation et manipulation mentale ou sociologique il n'y a qu'un pas.

c'est plutôt toi qui dois arrêter de penser de se qui nous fait passer a l'acte
car se là n'est que fruit de ton imagination me concernant ,moi et tant d'autres ici :roll: :idea:
c'est comme j'avais la science infuse de psys qui generalisent du pourquoi des perssonnes comme toi ne passerons pas a l'acte :roll:
t'est juste aussi integriste que celleux que tu denonce nous concernant
et le pire est que tu reste dans le denie de ses faits plus que avérés de ta part et pas que sur i trans ,mais biens partout ou tu as passer :mrgreen:

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Message non luPosté: 14 Juin 2015 21:12 
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Si tu le dis...

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Message non luPosté: 14 Juin 2015 21:16 
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Localisation: citoyenne du monde
Cheyenne a écrit:
Si tu le dis...

c'est un constat en tant que phoebus ailleurs,t'avais la même méthode sur le même fond
et ta tellement gonflé que ta était virée :mrgreen:

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Message non luPosté: 14 Juin 2015 21:18 
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Localisation: Constamment dans la lune
"Jean-Claude Pollack : On a l’impression que depuis le grand éclatement anti psychiatrique post soixante-huitard, c’est la première fois, que de nouveau un soulèvement collectif émerge dans le champ psychiatrique. Il est animé d’une relative passion qui n’est sans doute pas anti psychiatrique comme pouvait l’être le mouvement après mai, mais qui remet quand même assez radicalement en question les rapports qu’entretiennent un domaine, une discipline avec l’État. Pour la première fois, on a l’impression que la confrontation directe s’établit à nouveau. Il s’agit bien d’une population, d’un ensemble de gens probablement très minoritaire encore, dans le domaine de la psychiatrie qui sont dans un désaccord absolu parfois radical, un refus, une résistance vis-à-vis de ce qu’on attend d’eux, du champ du service public. C’est ce parcours, ce renouveau, dont il serait intéressant que tu dises ce que tu en penses, et ce que tu penses de ce qu’on peut en attendre aussi.
2

Roger Ferreri : Clinique et politique, peut-être peut-on partir de ces deux termes, non pas tant pour les définir mais que s’accorder avec une échelle de dissonances acceptables pour la suite du propos.
3

Reconnaissons que le terme « politique », s’il évoque le vivre ensemble ne doit pas trop nous faire oublier que depuis quelques millénaires, ce « vivre ensemble » est toujours un « vivre ensemble » où une petite partie possède ou croit posséder quelques pouvoirs sur le plus grand nombre. Nous avons quitté les sociétés contre l’État, chères à Pierre Clastres. « Contre l’Etat », peut-être est-ce bien de le souligner : activement contre le pouvoir délégué au chef avec les moyens coercitifs qui vont avec. Non pas une organisation politique primitive en attente de la naissance de l’Etat de la « civilisation des civilisés », simplement un autre modèle qui peut aider à penser les systèmes institutionnels. Ce « contre l’Etat » nous enseigne, par une sorte d’effet de contraste, sur les différentes formes que peut prendre l’Etat en tentant d’organiser les rapports de domination.
4

Bien sûr, la domination infiltre probablement tous nos agencements relationnels, il suffit pour cela de l’interroger.
5

Cette petite introduction, pour bien nous souvenir que la question n’est pas de supprimer toutes formes de domination mais de permettre, de limiter, et combattre certaines de ces formes, en ayant la possibilité de les interroger toutes, quelles qu’elles soient.
6

Ce qui fait que je ne jette pas la démocratie avec l’eau du bain du capitalisme. La démocratie représente pour moi une question, en aucun cas la recherche avide d’une réponse, encore faut-il pour que cela soit possible qu’elle existe. C’est-à-dire qu’un tant soit peu, elle fonctionne. Peut-être peut-on repérer son existence en lui reconnaissant un point limite : qu’elle soit capable, c’est-à-dire nous à travers elle, de faire que son bord, sa marge, qui représentent les idées les plus folles, les plus utopiques en ce qui concerne le vivre ensemble, la liberté, la mise en commun (pour ne pas dire le communisme, puisque ce dernier terme qualifie le parti qui gouverne un des plus grands états capitalistes de la planète). Il faut qu’existe cette marge, elle autorise et protège celles et ceux qui construiraient par leurs propos, le renouvellement de ce bord, de ce littoral, d’avoir, en toute sérénité, indéfiniment, la possibilité de perdre, et par cet échec continuellement renouvelé de la marge, d’instruire la démocratie du défi qu’elle doit relever.
7

Acceptons encore avec Jacques Rancière que la politique qui nous intéresse ici prenne corps avec l’interrogation plus ou moins critique plus ou moins ouverte quant à l’aspect « naturel » de cette domination.
8

Cette mise en scène de la politique, que certains appellent le politique, me paraît nécessaire à préciser pour ouvrir sur le deuxième terme : la clinique. La clinique suppose avant tout une alliance, point d’initiation de quelques regroupements reconnus comme tels, constitutifs ici d’une discipline, médicale à son origine, propre à constituer un corps de personnages : médecins et associés, ainsi unis et réunis autour d’un objet qu’il convient quand même de s’approprier, chacun à sa façon, en fonction de ses idées et autres principes mais aussi, pour une part, de leur place dans l’organisation.
9

Que la science puisse éclairer la politique des hommes de ses lumières doit assez être pris au sérieux, avec le sérieux d’un mythe porteur des questions que cela pose : autant à la science, et son recours obligé à des objets stables, qu’à l’homme, qui même en se prenant pour l’objet de lui-même ne sera jamais simple objet de la science dans la droite ligne de cette stabilité.
10

N’en déplaise à tout ce courant behaviouriste qui souhaite être payé en retour de ce qu’il tente de construire : une humanité prévisible parce qu’éduquée, pour répondre où et quand il le faut comme il se doit, une humanité automatisée par des contraintes procédurales, présentées avec une certaine subtilité, comme autant de modalités pour préserver la nature, pour une vie heureuse dans un monde au risque zéro, pour une santé mentale accessible à tous. Le paradis terrestre enfin obtenu grâce à un management généralisé au sein d’un capitalisme, lui par contre tout à fait déchaîné. Qu’attendent-ils en retour tous ces serviles serveurs : de l’argent, des honneurs ? Je crois bien que c’est pire que ça, ils attendent le regard doux et protecteur, l’espoir d’une caresse, d’un sucre, provenant d’un lieu ubiquitaire difficilement saisissable où se met en scène le dessaisissement réel par la transformation de nos rêves sous la forme d’une vaste accumulation de ce dont nous sommes alors privés. Coup de génie qui, par cette nouvelle forme d’accumulation, nous impose ce qui doit nous manquer. Le désir d’un autre monde, voilà ce dont nous dépossède le néolibéralisme, tout simplement parce qu’il nous en promet la réalisation prochaine, qui plus est, sur mesure au « un par un ». Comme dans une religion, au plus méritant le paradis d’une richesse par rente. Ce n’est plus seulement l’accumulation du travail comme une des formes du fétichisme de la marchandise, ce n’est plus seulement la puissance par l’argent, c’est la puissance par la promesse d’un monde meilleur parce que les meilleurs gagneront. En attendant : travaillez plus pour vous faire baiser plus, et surtout n’hésitez pas à améliorer vos conditions de travail, à vous réaliser dans le travail et la production, préparez-vous à la subtilité d’une esthétique de l’esclavage, tant que vous travaillerez plus pour gagner moins, vous serez sur le chemin de la rédemption.
11

C’est bien votre œuvre qui nous fait vivre, faites-la, le mieux possible, mettez-y tout votre cœur, nous ne cessons de parier sur votre vie, ne nous décevez pas ! C’est pour vous que nous préparons l’avenir, si ce n’est vous, ce sera votre descendance qui sera élue, comme Dieu nous sommes innommables, comme lui nous sommes intouchables, nous n’existons que par nos effets.
12

Les États continuent bien sûr d’organiser les différents modes de domination mais ils n’occupent plus une place stratégique dominante. Ils ne battent plus monnaie comme on dit, la masse d’argent nécessaire à l’organisation des paris sur le travail est fonction de l’activité de ces paris. Il est toujours convenu d’appeler ce système : le marché. C’est un système ouvert auquel personne ne doit échapper, en ce sens il est global. Il s’est constitué une sorte d’aristocratie d’usurier par filiation boursière qui a nommé premier ministre de cette globalisation les systèmes bancaires et pour chef de bureau, les différents représentants des états soumis à la loi des déplacements massifs d’argent.
13

Pour employer une expression à la mode, c’est comme si c’était un jeu de rôle dans lequel nous serions pris, ce qui veut dire qu’on y participe plus ou moins malgré soi. Il y a même quelques organisateurs qui tiennent le site au jour le jour, autant du côté du travail que de certaines écoles analytiques. Je le dis de façon un peu caricaturale pour souligner comment nous sommes pris en tenaille entre une gestion des œuvres humaines d’un côté et de l’autre le sujet. Il y a une crise du syndicalisme et des sciences humaines ou en tout cas une période difficile. Á terme si les affaires continuent leur train-train actuel, leurs fonctions politiques pourraient bien être réduites au strict minimum : une participation de vitrine à la gestion des hommes.
14

J’en viens à la psychiatrie qui, comme le dit Michel Foucault, dans notre monde moderne, a pour mission de définir la folie. Le fou c’est celui qui en quelque sorte nous oblige à tenir des discours sur lui, les discours que nous tenons sur lui sous l’appellation de folie incluent tout autant les différentes formes de délire que les différents modèles explicatifs, ce qui n’épargne pas les productions cliniques et diagnostics des psychanalystes. C’est un constat, en aucun cas une critique, la critique serait de ne pas prendre cela comme un constat. Pourquoi ce constat est-il important à considérer ? Pour une raison très simple, au sein des rapports de domination, que j’évoquais tout à l’heure, la demande de réduction de la folie au silence n’épargne personne.
15

L’arrivée, non pas de la psychanalyse, mais des psychanalystes que nous sommes dans l’univers de la folie dans le cadre de la psychiatrie, a laissé croire que notre considération pour l’objet des soins changerait le monde, qu’il suffirait de s’adresser au sujet pour que celui-ci advienne en toute quiétude.
16

Il est vrai, heureusement, qu’une minorité, ou plutôt des minorités se sont coltinées à ne pas faire de leurs pratiques le strict champ d’expérience vérifiant leurs théories. En fonction des périodes d’ouverture ou pas de nos sociétés, ces minorités ont pu avoir un écho plus ou moins porteur.
17

Depuis le début des années 80, le pragmatisme de la gestion des hommes a servi d’œillères pour éviter de se confronter à nos semblables, en particulier à celui qui est à la fois le plus proche par les questions qu’il mobilise en nous et le plus loin par le désarroi qu’il entraîne : le fou.
18

Voilà qu’un chef de bureau, du bureau que j’évoquais un peu avant, a décidé de réduire la folie, par sa transmutation, en dangerosité potentielle, dont il faudra se prémunir en ordonnant de la réduire au silence par le biais d’un retour vers la contrainte, la pire de toute celle qui s’impose non pas parce que quelqu’un compromettrait l’ordre et la sûreté des personnes mais parce que des experts jugeraient, comme dans l’union des républiques soviétiques, que son comportement est dommageable pour la société qui, dans sa gestion au « un par un », la fera passer pour une protection de lui-même. Toutes personnes présentant des troubles et qui refuseraient d’accepter les traitements psychiatriques qui lui conviendraient, dans les faits essentiellement des médicaments (encore que la monstruosité sociale n’ayant pas de limites de nos jours, peut-être doit-on craindre aussi que des gens soient conduits à leur psychothérapie, encadrés par deux policiers et pire encore qu’il existe des psychothérapeutes pour y répondre), seront dénoncées au directeur de l’établissement qui enverra les forces de l’ordre. Cela aura deux effets dramatiques et incontournables : les personnes présentant ces troubles n’auront pas d’autres solutions que de se dissoudre dans la nature pour échapper au complot organisé ainsi mis en place au nom du soin. L’autre effet concerne les psychiatres et consorts qui pourront encore plus qu’ils ne le font actuellement se désimpliquer des soins : « prenez vos cachets, sinon j’appelle la police ». La complexité, la finesse du réseau difficile des stratégies relationnelles, ce qu’on a pu essayer de cerner autour du terme de transfert, mais pas seulement, les animations, les clubs thérapeutiques, tout cela devra supporter le poids de cette menace. Au nom du bien, pour ces personnes bien évidemment, nous construisons un réseau de menace. Un nouveau modèle social : soyez dans la stricte norme sinon ce sera la contrainte.
19

Il y aura des psychiatres et associés en nombre, peut-être même en syndicat, qui accepteront de déléguer la question du personnage du psychiatre sous quelque forme que ce soit (infirmier, psychologue, éducateur, psychanalyste masqué) à l’État pour devenir les simples officiants d’un nouveau système « Contrôlitaire ». Je les entends d’ici, c’est pour leur bien, ils sont mal soignés… C’est vrai, globalement ils sont plutôt mal soignés et peu respectés mais justement ce seront les mêmes qui les soignent et les respectent mal, qui comme par hasard seront d’accord pour cette loi ultra sécuritaire.
20

Il n’y a pas de programme politique qui puisse promettre qu’un fou soit moins fou. Quelque chose, dans la société la plus parfaite possible risque encore d’échapper. Le Chef du bureau de la gestion rêve que tout soit propre et bien rangé.
21

Il rêve, pour remettre chaque homme à sa place, d’une réalité objectivement saisissable de l’homme. Effectivement une certaine réalisation de la science qui ne cesse de se renouveler et qu’il faut sans cesse combattre, participe activement à la construction d’un homme calibré. Cela n’est pas nouveau, cela fait déjà un bout de temps que le monothéisme a mis en place des ensembles hiérarchisés de personnages, ce que l’on appelle des religions, qui de confessions en prescriptions en passant par quelques inquisitions n’ont eu de cesse que de mettre au pas nos pensées en imposant à l’expression des corps, un rituel lancinant et répété.
22

Le débat va-t-il être un peu plus houleux et difficile si aux effets des religions encore présents se rajoute une nouvelle religion avec ses prêtres thérapeutes sous l’égide d’une science du comportement, que ce soit un comportement au regard d’un ordre social ou un comportement au regard d’un ordre de la structure ? Cette dernière n’étant que la forme soft dans sa présentation, de la précédente.
23

Un des modèles prédominants du rapport au monde est celui de l’appropriation, modèle qui infiltre assez les débats pour que les formes de saisie, de compréhension, que nous établissons sur lui et en extension sur nos semblables, s’autorisent d’autant de petits savoirs particuliers qui ne sont pas sans constituer des petits pouvoirs organisés en corporations.
24

La question n’est pas, comme certaines critiques l’avancent trop facilement, de laisser entendre qu’il suffirait de faire disparaitre tous ces petits montages, qui d’ailleurs ne sont pas si catastrophiques que ça, quand ils restent localisés et surtout quand les systèmes institutionnels permettent d’autoriser les débats et non pas de les interdire au nom de la célèbre soupe, envers laquelle il convient de faire vœux de ne jamais y cracher, quelque goût amer qu’elle prenne, avec le risque de se cantonner à proposer en miroir les bons montages, mais bien d’être assez avertis pour tenter de partager leur mise en question, justement au-delà de ces montages dont Bonnafé nous avait avertis que leur valeur n’était pas de s’imposer aux autres en tant que modèle dominant mais de nous éclairer en tant que modèle de contraste.
25

La politique consiste à ne pas avoir peur de se disputer et si on attribue quelques valeurs à la démocratie, de permettre que les disputes d’idées n’entraînent pas la disparition des corps.
26

Quand des corporations se voient représentées par des experts en réponses immédiates envers des questions non encore formulées, là, il convient de monter au combat.
27

Pouvoir et savoir sont intimement liés, voilà l’autre face des lumières que Foucault interroge. La clinique, ce que Gramsci peut-être qualifierait d’une des formes de l’hégémonie culturelle, n’échappe pas à ce modèle. C’est plus un constat, une façon de souligner une question pour la partager afin de ne pas trop militer au maintien des points d’aveuglement que ce modèle comporte.
28

Qu’est-ce que la clinique ? Ou plutôt qu’est-ce que l’idée de clinique met en scène dans une sorte d’entretien des corps que chacun peut espérer être au mieux réalisé pour lui-même ?
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Il n’est peut-être pas inintéressant de rappeler que la clinique récente, dite moderne, celle qui s’est constituée depuis environ deux siècles, est avant tout une clinique qui, par ses remontées causales, découpe le corps en organes, en fonctions, en appareils, en systèmes. Bref, insidieusement, au-delà du bienfait que chacun peut y trouver, peut participer (d’autant plus qu’on n’y prêterait pas garde) à la mise en relation d’un corps fonctionnel propre à l’exercice le plus performant de la vie en société et en même temps le moins coûteux pour son entretien. Qu’aucun milligramme de cholestérol ne dépasse. Tant que cela reste au niveau des propositions, chacun y adhérant à ses risques et périls, nous pouvons considérer que nous restons dans un champ assez informel pour que notre libre arbitre ne soit pas totalement réduit à néant. Nos considérations sur la folie sont aussi ce qui donne à notre libre arbitre un peu d’espace.
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Avançons-le tout de suite, le point de résistance de cette « objectivation » du fonctionnement de nos corps, quand cette dernière passe dans la politique par la mise en place d’un pouvoir de regard sur l’état de nos corps – passage, qui ne le sous-estimons pas, pose des problèmes d’une extraordinaire complexité – c’est le point de résistance que doit franchir le pouvoir politique pour passer d’une raison comme fiction – fiction, je le précise ici veux dire que la raison est un projet politique discutable –, le passage donc, à une raison comme norme où la clinique se défausserait massivement de la demande individuelle pour se cantonner à la mesure de l’écart entre l’imaginaire d’un corps socialement adapté et le corps in situ.
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Ce point de résistance nous l’avons avec les Lumières désigné du terme de folie.
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Florent Gabarron-Garcia : Ta lecture de la conjoncture historique est tout à fait intéressante et très riche. On y retrouve Marx, Lacan, Foucault. Je souhaiterais t’interroger plus particulièrement sur une de tes références : Foucault. Cela n’est pas anodin, il n’est pas fréquent qu’en psychiatrie (ou plus exactement un psychiatre) l’on fasse référence à Foucault. Non seulement tu lui reprends l’idée selon laquelle le psy n’aura « jamais accès au langage de l’insensé » (tel qu’il l’explique dans L’histoire de la folie), mais de plus, tu problématises ta position par rapport au problème des rapports du savoir au pouvoir. Pourrais-tu développer ces questions des rapports de la psychiatrie comme pratique et de ce que cela interroge au niveau de la norme dans le contexte du « biopouvoir » ?
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R. F. : A l’heure actuelle, la psychiatrie peut devenir un modèle d’asservissement majeur. Elle peut facilement devenir l’excuse principale d’une bio politique forcenée. La psychiatrie n’est pas une spécialité comme les autres, comme se plaît à le proclamer, à le revendiquer une psychiatre universitaire, elle n’a pas bien saisi ou ne veut pas voir, pour des raisons de carrière, que la psychiatrie a quand même pour mission de relever le défi de s’occuper du cerveau essentiellement à l’extérieur de la boîte crânienne. A l’extérieur de ce lieu où se produisent et se reproduisent des signes qui modifient la chimie du cerveau, d’une manière assez précise et fine pour que cela participe de la transmission de l’humain. Le « cerveau organe » y est pour quelque chose, bien évidemment, mais il ne participe que collatéralement au champ de la psychiatrie. Il est vrai que certains dommages collatéraux ont des effets psychiques indéniables, soit on peut agir directement sur eux, soit c’est de l’extérieur qu’il faut reprendre les questions pour faire avec. Pour l’instant il n’y a pas de physiologie de la beauté d’un coucher de soleil qui soit capable de rendre compte de comment cette beauté différerait de la beauté de l’étendue d’un désert ou du sourire de l’être aimé. Historiquement, c’est plutôt la médecine des organes qui est une branche de la psychiatrie.
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Henri Ey avait déjà établi l’organo-dynamisme. Il ne participait pas moins à l’établissement d’un organe de la raison que l’on pourrait qualifier d’organo-phénoménologique, qui lui faisait dire que la psychiatrie était une pathologie de la raison. Cela n’était pas faux politiquement, mais dangereux si l’on considère que la raison est l’expression de la réalité de « l’organe cerveau » dans ses rapports aux sens et sensations qui le nourrissent. Je crois que Deleuze et Guattari parlent de « corps sans organe », heureuse initiative : à trop insister sur les organes, on ne manque pas d’ameuter les organisateurs. À l’opposé, de cet organicisme, on trouve certaines écoles analytiques qui font leur beurre en se présentant comme des écoles pouvant enseigner une clinique de la structure. C’est vrai que ça marche pas mal, tant l’avidité de savoir excite les foules. Sous prétexte de laisser croire qu’ils opéreraient dans le champ de la psychanalyse, ils construisent une clinique bas de gamme, proche de ces psychiatres qui recherchaient dans leurs examens, la confirmation de la primauté de la dégénérescence transmise. Bien plus grossière que la clinique d’Henri Ey, qui avait au moins une certaine idée de ce qu’était un phénomène, ils vont chercher chez Lacan, comment celui-ci tente de rendre compte du délire, pour bien vérifier que les gens qu’ils sont censés écouter suivent rigoureusement le modèle inventé. Georges Canguilhem nous avait pourtant rappelé qu’une des entourloupes usuelles de la science consiste à fabriquer à partir d’un phénomène, un concept, pour ensuite lire dans la « nature » directement l’apparition du concept. Il avait insisté en nous proposant de faire du concept, je le dis à ma façon, un mot tenu en laisse par sa définition. Peu importe pour eux si Lacan, dans son séminaire sur le symptôme, a ramé comme un beau diable pour montrer que dans la vie quotidienne la forclusion du nom du père n’existait pas. Que ce n’était pas parce qu’on attaquait directement la langue comme Joyce, supposé un peu fou, qu’il n’y avait pas une quête de sens à l’œuvre et que la forclusion du nom du père n’était qu’une modélisation extrême, valable peut-être dans la théorie, pour mieux penser la psychose. Un modèle « c’est comme si » : Newton, je crois, dit que la Terre tourne autour du Soleil comme si elle suivait sa loi. Bien que lui aussi était un peu étrange et replié, il ne pensait quand même pas que la Terre était là pour suivre sa loi en tournant autour du Soleil.
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J’assume qu’on ne peut être psychiatre que contre la psychiatrie, ce qui ne veut pas dire que la clinique est nulle et non avenue, au contraire sa présence est assez importante en nous pour faire de son inadaptation à la personne devant soi un des moteurs de l’initiation d’un partage possible des significations. La rencontre avec le fou est un enseignement politique permanent qui mérite que celui qui est fou ne soit pas détruit et que sa parole ne soit pas totalement dépossédée. Pour cela il faut probablement accepter que ce que l’on fait au plus près de lui, tant sur le plan des échanges rapprochés qu’institutionnels, serve de modèle pour un accueil de la différence. Il n’y a pas de recette à cela, chacun avec ses croyances, ses techniques, ses moyens, essaie de faire au mieux entre l’explosion de la personne par son délire et le maintien d’un style donnant consistance à sa vie. L’intervention sur la pensée d’un de nos semblables nous contraint sans cesse à discuter des effets de nos interventions, le soin est indissociable des questions éthiques et l’organisation institutionnelle du soin fait partie de ces questions éthiques. Je travaille dans un service où il me semble que les gens s’intéressent à ce qu’ils font, essaient de répondre aux problèmes qu’ils rencontrent, ne se défaussent pas a priori devant l’autisme ou de toutes autres difficultés que peuvent rencontrer les enfants. Ils sont même assez heureux d’y travailler parce que la question de prendre du plaisir à ce qu’on fait est présente. C’est un service de psychiatrie infanto juvénile tout à fait ordinaire. Ce sont les autres services, ceux qui passent plus de temps à expliquer pourquoi ils ne veulent pas s’occuper d’un enfant, qui sont extraordinaires. Il n’y a pas beaucoup de différence avec tout ce qui tourne autour de la psychothérapie institutionnelle, à ceci près, que je pourrais formuler comme cela : je ne pense pas qu’il faille construire un temple des bonnes pratiques qui ne sont que des pratiques ordinaires pour défendre différentes modalités d’accueil de la folie, de la souffrance, voire des bleus de l’âme.
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Peut-on espérer que les effets du néolibéralisme soient assez repérables et douloureux pour réveiller un peu le monde psychiatrique ?
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Je crois qu’il se passe des choses très très intéressantes, peut-être même assistons-nous à la levée du brouillard engendré par la promotion d’une clinique supérieure, celle de la structure, qui croyait ainsi contourner les questions politiques du soin.
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Quel rapport me direz-vous entre cette clinique de la structure et le néolibéralisme ? Le néolibéralisme a peut-être ceci de particulier, que comme système de jouissance collective réservée à un petit nombre, il s’intéresse au sujet. Peu importe le nom qui nous désigne, clients, usagers, agresseurs, victimes, le désir de chacun doit être source de profit. Non seulement le fou est difficilement saisissable par les désirs courants, mais qui plus est, comme Bonnafé en donne la définition : « la folie pour autant qu’elle soit autre chose, n’en est pas moins une juste protestation de l’esprit, contre d’injustes contraintes ». En cela, l’alliance peut se faire, si d’aventure quelques techniques d’où qu’elles viennent, de quelques idéologies soient-elles, pourvu qu’elles œuvrent activement à la disparition de toutes formes de protestation, elles seront les bienvenues dans l’univers de la normalisation démocratique.
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Soit dit en passant, imaginer que ce serait un progrès pour notre époque de considérer que l’hospitalisation sous contrainte devrait quitter la saisine et la discussion par « la notoriété publique », terme proposé par la loi de 1838 qui reconnaît au peuple le lieu de désignation de la folie, encore présent dans la loi 90, pour remettre cette décision entre les mains de la justice avec les expertises qui ne manqueront pas d’être produites et de participer activement à la constitution d’un nouveau savoir expertal de la mise à l’écart des fous en faisant disparaître par ordonnance la question de la folie sous la technicité judiciaire de la privation de liberté, est une autre forme d’aveuglement. Aveuglement d’autant plus difficile à discuter qu’il est avancé au nom d’une idée que ces minorités partagent quant au recours de plus en plus anodin à l’hospitalisation sous contrainte. Ces dernières ne diminueront pas nécessairement avec le judiciaire. Peut-être que ceux d’entre nous qui attendent du judiciaire qu’il puisse nous protéger à ce point, verront-t-ils leurs yeux dessillés. Voilà bien, pour le néolibéralisme, une des modalités pour faire disparaître la question de la folie en soumettant les personnes qui déclenchent chez nous ce terme, à l’obligation permanente d’un soin dont la décision judiciaire ne serait plus la privation de liberté mais bien le modèle de la privation de pensées.
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Qu’on se le dise du côté de ce rêve d’une justice populaire. La justice disait le bâtonnier Carbonnier c’est le pathos, il n’y a pas plus dangereux qu’une justice positive qui établirait en quelque sorte un code de procédure de la vie quotidienne. Ce n’est pas du tout le même modèle que de pouvoir protester de manière judiciaire contre son internement que d’y être conduit par sa voie.
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Il nous faut pour cela, plutôt que d’attendre l’aide du judiciaire, nous réapproprier le service public, disons même la chose publique. Les systèmes institutionnels sont sous le coup d’une organisation techno-bureaucratique qui n’est pas sans rappeler le modèle soviétique. Ils avaient l’autocritique, nous avons l’auto évaluation. Les démocraties sont peut-être en train de fabriquer non pas tant du totalitarisme que du contrôlitaire. Pour cela il convient de transformer les hommes en serveur de machines et de les adapter à la conduite de ces machines.
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Foucault a une intuition que je trouve étonnante qu’il énonce dans son introduction à Histoire de la folie, on peut la pousser du côté de la sacralisation de la folie mais ça n’a pas d’intérêt, Foucault évoque un temps : celui du « partage du partage lui-même ». Quelqu’un qui a entendu quelques fous dans sa vie, ne peut pas laisser passer une telle phrase. La question du partage du partage lui-même, c’est une question très importante puisque c’est la question de l’échange de la valeur des mots, mais de la valeur des mots non pas dans les contenus mais dans la question même d’une valeur possible. Cela nous conduit à relire Marx : la valeur d’échange n’est pas tant celle de la marchandise mais à travers elle, ce qui s’échange, c’est la question même de la valeur. C’est-à-dire la question de la valeur d’une personne par ses œuvres, pourquoi pas de l’être, si d’aventure des philosophes s’y intéressaient. Dans les délires, les gens qu’on entend délirer nous renvoient avec des mots qui sont proches de nous quelque chose de cet ordre : jusqu’à quel point, est-il possible que ce qui s’échange n’oblige pas à une vérification que personne d’autre que la personne atteinte de folie puisse confirmer. Ce temps de partage du partage lui-même, est plus ouvert que la forclusion du nom du père, ce que j’appelle le temps du lien social, établi à posteriori pour qui se soumet à une signification possible. Pour que le lien social ait quelques consistances, il nous faut partager ce que nous ne pourrons pas dire de définitif avec le langage. L’intérêt des mythes, c’est que les gens se racontent de belles histoires auxquelles personne ne peut croire, c’est la beauté de l’histoire racontée, transmise, tous les soirs autour du feu, au sein des rires et des peurs de la tribu que le partage du partage lui-même opère."
Pour citer cet article

Ferreri Roger, Polack Jean-Claude, Gabarron-Garcia Florent, « Psychiatrie et politique », Chimères 1/2010 (N° 72) , p. 23-36
URL : www.cairn.info/revue-chimeres-2010-1-page-23.htm.
DOI : 10.3917/chime.072.0023.

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Nous vivons une civilisation,une époque, inspirées par la prééminence de l’émotionnel
«Des esprits étroits,sans aucune imagination et très intolérants.Les thèses déconnectées de la réalité,les termes vidés de leur sens,les idéaux usurpés,les systèmes rigides.Voilà ce qui me fait vraiment peur.»
"N'essaye pas de connaître le sens de la vie.Hormis celui que tu lui donnes il n'y en a pas."


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Message non luPosté: 14 Juin 2015 21:20 
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et d'ailleurs quel qui sois la raison d'une trans a le faire ou pas elle est toute aussi louable que la tienne a ne pas le faire
car ton corps t’appartiens et personne est dans ta tète pour évaluer se que tu ressent
seule toi est responsable de ta decision qui est respectable,toute autant comme celleux qui ne font pas comme toi, car leurs corps leurs appartienne :twisted:

_________________
Je pressens tout ce qui m’entoure, mon âme d’enfant est une grande excitée.
Je crie ma liberté cueillie en cette vie flamboyante, j’en suis émerveillé.
des peurs.
J'ai appris que le courage n'est pas l'absence de peur, mais la capacité de la vaincre.


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Sans doute par pure provocation et désir volontaire. Nobody's Perfect...

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Message non luPosté: 14 Juin 2015 21:43 
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Cheyenne a écrit:
Sans doute par pure provocation et désir volontaire. Nobody's Perfect...

des vilains défauts,très vilains même, pour un forum transidentitaire
ou tu critique celleux qui ont ses mêmes défauts : les psys transphobes

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Je pressens tout ce qui m’entoure, mon âme d’enfant est une grande excitée.
Je crie ma liberté cueillie en cette vie flamboyante, j’en suis émerveillé.
des peurs.
J'ai appris que le courage n'est pas l'absence de peur, mais la capacité de la vaincre.


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